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Gagaouzie |
Capitale: Komrat |
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La Gagaouzie
(en anglais: Gagauzia) constitue une région autonome au sud
de la Moldavie. Il s'agit de l’unité administrative dite
Gagaouze-Yeri ou Gagauz-Yeri (littéralement :
le «lieu gagaouze») comptant une superficie de 1831 km², c'est-à-dire 5,4
% de celle de la république de Moldavie (33 400 km²). Il s'agit d'un
territoire morcelé réparti en au moins cinq districts et 31 villages
situés entre l'Ukraine et la Roumanie au sud du pays. La capitale est
Komrat (32 000 habitants).
En 1995, le Parlement moldave reconnut aux Gagaouzes un statut d'autonomie (par la Loi concernant le statut juridique spécial de la Gagaouzie - Gagaouze-Yeri) au sein de la République, leur donnant le droit de posséder leurs propres emblèmes, et de se doter d'une assemblée législative (l'Assemblée de Gagauz-Yeri: Halc Toplosu) et d'organismes exécutifs spécifiques. Le gouvernement autonome a juridiction dans plusieurs domaines, notamment les sciences, la culture, l'éducation, les services communs de proximité, les services de santé, les services sociaux, les activités économique locales (budgétaires, financières et fiscales) et l’environnement. Le gouvernement moldave est représenté par un gouverneur considéré comme la fonction officielle et représentant le pouvoir suprême de Gagaouzie; celui-ci est élu directement par la population du territoire autonome pour un mandat de quatre ans. |
L’article 1 du statut d'autonomie accorde des droits collectifs à la minorité gagaouze, mais prévoit aussi une autodétermination qui ne remet pas en question l'intégrité territoriale de la Moldavie. Néanmoins, en cas d’union politique avec la Roumanie, la Gagaouzie aurait théoriquement le droit d’accéder à l’indépendance.
Les Gagaouzes forment un peuple dont la population est d'environ 198 000 personnes au total. Bien qu'il soient dispersés dans plusieurs pays (Moldavie, Bulgarie, Roumanie, Ukraine, Kazakhstan, Turquie et Russie), l'essentiel de la population réside en Moldavie, avec 172 500 représentants de cette ethnie, soit 87 % de la population gagaouze, et en Bulgarie (12 000 personnes).
Les localités de Moldavie où l'on compte des Gagaouzes sont les suivantes: Chisinau (5808), Basarabeasca (2451), Tiraspol (1909), Tighina (1554), Cahul (1254), Burlaceni (1090), Baurci (501), Taraclia (725), Cimislia (226), Ciumai (329), Etulia (312), Moscovei (128), Visinesti (182), Sadic (148), Leova (145), Albota de Sus (242), Cealic (171), Satul Nou (288), Salcia (194), Sofieni (388), etc.
La Gagaouzie compte une population de 172 500 habitants, dont 78,7 % de Gagaouzes, 5,5 % de Bulgares, 5,4 % de Moldaves roumanophones, 5, % de Russes, 4 % d’Ukrainiens, 1,3 % de Tsiganes et diverses autres petites nationalités. Dans 24 localités, les Gagaouzes représentent plus de 50 % de la population, tandis que dans peut-être six, ils forment moins de 50 %. De fait, les Gagaouzes ne forment une majorité que dans deux des cinq districts, alors que les populations moldave et bulgare locale soutiennent peu l'Administration gagaouze.
Ce peuple parle en principe le gagaouze, une langue turque de la famille altaïque transcrite auparavant avec l’alphabet cyrillique, mais maintenant avec l'alphabet latin (comme pour le moldave). Cependant, cette langue est partout en voie d'extinction partout, sauf en Moldavie où 89 % des Gagaouzes parlent le gagaouze comme langue maternelle.
Groupe |
Langues | |
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turc, turkmène, ouzbek, ouïgour, azéri, kazakh, kirghiz, tatar, gagaouze, karakalpak, bachkir, yakoute, tchouvache, etc. |
2 | Mongol | khalkha, rat, bouriat, xorein, etc. |
3 | Toungouze | mandchou, lamout, évenki, etc. |
Les Gagaouzes sont caractérisés par le fait qu'ils
constituent une communauté turcophone christianisée. La plupart des Gagaouzes
pratiquent la même religion que les Bulgares et respectent les préceptes de
l'Église orthodoxe bulgare. En Turquie, les Gagaouzes ont perdu leur langue et
utilisent le turc moderne qu'ils écrivent en caractères grecs. Ils continuent de
pratiquer leur religion, mais ne reconnaissent pas le Patriarcat orthodoxe turc
et dépendent de l’Église autocéphale bulgare. Les messes sont dites en slavon
(langue liturgique des slaves orthodoxes) et non en gagaouze, ce qui contribue
quelque peu à la perte de l’identité gagaouze et de l’appartenance aux peuples
turcs d’Europe orientale. Le nombre des Gagaouzes de Turquie ne semble pas très
élevé.
Les
Gagaouzes entrèrent dans l'histoire au cours du XIIIe siècle dans la
région de Varna, en Bulgarie. Ce sont des descendants des Oghouz
turcophones. Ces derniers étaient à l'origine répartis en neuf clans, les Tokuz
Oghouz («Neuf Oghouz»), divisés en 24 tribus issues des six fils d'Oghouz Khagan
: Kün («Soleil»), Ay («Lune»), Yildiz («Étoile»), Kök («Lac»), Tag («Montagne»)
et Tengiz («Mer»), dirigeant chacun un groupe de quatre tribus qui se référaient
à chacun à un totem clanique (rapace, animal sacré, nourriture particulière ou
signe sacré). Au cours des siècles, les tribus oghouzes, sans jamais abandonner
complètement leur ancestrale religion chamanique, devinrent adeptes du
manichéisme, du nestorianisme, du bouddhisme et enfin, de l'islam, avant d'être
christianisés au contact des Russes. Les Oghouz qui conservèrent leur foi
islamique furent dès lors connus sous le nom de Turkmènes, cousins des Azéris et
des Turcs de Turquie. 3.1 Une république
indépendante Après la chute de Constantinople (1299), les Oghouz
christianisés auraient fui l'invasion turque, car les Turcs les menaçaient de
leur imposer la religion musulmane. Durant le Moyen Âge, ils se seraient
réfugiés, avec des Bulgares, dans une zone de 200 km le long de la mer Noire et
de la mer Caspienne, principalement en Roumanie, puis en Bulgarie. Ils fondèrent
une république du nom d'un de leurs chefs appelé Kay-Ka'us. On parlait alors de l'État des
Kay-Ka'us, qui devint par glissement sémantique les Gagauz ou en
français Gagaouzes. Ces derniers se convertirent à la religion grecque
orthodoxe bulgare et la majorité d'entre eux restèrent fidèles au patriarche de
Constantinople après l'invasion ottomane conduite par Bayasid Ier en
1398, une invasion qui mit fin à la seule entité politique durable que les
Gagaouzes aient connue au cours de leur histoire. 3.2
L'intégration à la Russie et à l'URSS Les
Gagaouzes furent ensuite intégrés dans l'ancienne principauté de Moldavie, qui
demeura sous la suzeraineté turque, avant d'être annexée par la Russie au
moment de la guerre russo-turque (1877-1878). L'histoire des Gagaouzes se
confondit à celle de la Roumanie et de la Moldavie. À cette époque, en
Gagaouzie, les taux d'analphabétisme étaient de 88 % pour les hommes et de 98 %
pour les femmes. En 1918, une partie de la Moldavie fut rattachée à la Roumanie,
puis l'Union soviétique créa, en octobre 1924, la République socialiste
soviétique autonome moldave. Au
cours des des années trente, l'administration roumaine tenta d'imposer aux
Gagaouzes, sans grand succès, l'adoption de l'alphabet latin, en remplacement de
l'alphabet grec qu'ils utilisaient jusqu'alors. En juin 1940, l'URSS annexa la partie moldave qui était
alors sous autorité roumaine. En juin 1941, suite à l'attaque nazie en URSS, la
Moldavie fut à nouveau rattachée à la Roumanie avant d'être sous contrôle
soviétique en août 1944. Quelques années plus tard, en 1947, la République
socialiste soviétique moldave fut reconstituée. Une intense russification
s'ensuivit, ce qui toucha autant les Moldaves que les Gagaouzes; les deux
peuples utilisèrent, dès 1957, l'alphabet cyrillique russe pour écrire leur
langue. Sous le régime soviétique, le peuple gagaouze fut privé d’écoles, sa
langue fut totalement négligée et le développement culturel fut laissé pour
compte. Cette situation déplorable a suscité une réaction instinctive de
rébellion contre toute autorité, y compris celle des Moldaves. C'est seulement à
la fin des années soixante que l'enseignement du gagaouze fut introduit en
Moldavie. La fin des années quatre-vingt vit émerger quelques
groupes moldaves favorables à une indépendance nationale, culturelle et
politique. En juin 1990, le Parlement moldave vota une déclaration de
souveraineté instaurant la primauté de la Constitution moldave sur tout le
territoire, ce qui incluait la Gagaouzie. Lorsque le Parlement moldave adopta l'utilisation du
moldave (roumain) comme seule langue officielle de la Moldavie, les Gagaouzes
exprimèrent leur mécontentement. Il faut comprendre qu'ils s'exprimaient, outre
en gagaouze, généralement en russe (75 % d'entre eux le parlaient couramment),
mais certainement pas en moldave. Sous l'impulsion de Stepan Topal, le Front
gagaouze commença à émerger; les Gagaouzes
fondèrent, le 19 août 1990, une République socialiste soviétique de
Gagaouzie autour de la ville de Komrat. Peu de temps après, le 27 août 1991,
l'indépendance de la Moldavie fut aussi proclamée. 3.3 L'indépendance de la
Moldavie et l'autonomie régionale Aussitôt, les minorités gagaouze et russophone,
craignant une union avec la Roumanie, réclamèrent l'autonomie de leurs régions.
Une guerre civile éclata dans la république de Transnistrie entre les forces
armées moldaves et les russophones; ces derniers étaient appuyés par des
contingents de cosaques et surtout par la 14e armée russe. En 1992,
le président moldave (Mircea Snegur) autorisa une intervention armée contre les
rebelles gagaouzes, mais la déconfiture de l'armée moldave en
Transnistrie permit d'éviter une répression sanglante en Gagaouzie. Les
conflits s'achevèrent avec la conclusion d'un accord à Moscou, prévoyant
l'autodétermination de la Transnistrie et de la Gagaouzie, dans l'éventualité
d'une union avec la Roumanie. En mars 1994, un référendum trancha en faveur de
l'indépendance de la Moldavie dans ses frontières de 1990, c'est-à-dire
comprenant la Transnistrie et la Gagaouzie, et contre la fusion avec la
Roumanie. La même année, une nouvelle Constitution fut proclamée, garantissant
l'autonomie de la Gagaouzie et de la Transnistrie. L'autonomie de la Gagaouzie
fut adoptée par le Parlement moldave, le 28 décembre 1994: ce fut la Loi
fixant le statut spécial de la Gagauzie/Gagauz-Yeri (no 344-XIII). Cette
même loi, entrée en vigueur le 14 janvier 1995, permettait aux Gagaouzes de
faire sécession en cas de réunification de la Moldavie avec la Roumanie, et
conférait à la langue gagaouze le statut de langue officielle, en plus du russe
et du moldave. D'après l'article 1
de la loi: «La Gagaouzie est une entité territoriale autonome avec un statut
spécial [...] formant partie intégrante de la république de Moldavie.» Le
statut de 1994, confirmé par une consultation électorale en mars 1995, a été
négocié grâce à la médiation de la Turquie. On considère que ce statut a résolu
le problème politique de la Gagaouzie, même s'il subsiste des problèmes
économiques qui sont jugés différemment par le gouvernent moldave et par les
autorités régionales. En 1998, un projet de
constitution gagaouze a été soumis aux experts du Conseil de l'Europe par le
président de l'Assemblée régionale. Depuis, la situation économique des Gagaouzes ne s'est
pas améliorée, leur région demeurant l'une des plus pauvres du pays;
l’agriculture et le secteur industriel sont mal développés. Cependant, les
Gagaouzes ont su non seulement éviter un bain de sang, mais
surtout faire entendre leur voix auprès des autorités moldaves. Leurs
institutions fonctionnent relativement bien et ne rencontrent pas de réelles
oppositions de la part des Moldaves qui respectent l'autonomie gagaouze.
Les Gagaouzes s’identifient aujourd'hui comme des Moldaves aux traditions
particulières et, bien qu’ils multiplient les liens avec la Turquie, ils
semblent être apparemment satisfaits de pouvoir gérer leurs affaires internes
tout en faisant partie de la république de Moldavie; cela dit, le
mouvement sécessionniste gagaouze n'est pas totalement disparu. Évidemment, les autorités gagaouzes ne voient pas les difficultés
de la même façon que les autorités moldaves. L'article 12 du statut
d'autonomie accorde à l'Assemblée de Gagaouzie un pouvoir législatif portant sur
une série importante de compétences définies de manière très générale comme la
culture, l'éducation, la santé publique, le sport, l'économie, l'écologie, les
budgets locaux, etc. Le statut précise que l'Assemblée est habilitée à adopter
une «législation locale», ce qui laisserait penser qu'il s'agit de compétences
partagées. Les risques de conflit subsistent.3 Données
historiques
La Loi concernant le statut juridique spécial de la Gagaouzie de 1995 confère à la langue gagaouze le statut de langue officielle, en plus du russe et du moldave, mais l'utilisation d'autres langues (par exemple, le bulgare) est garanti. Le gagaouze est la principale langue de la communication orale au sein de l’unité administrative de Gagaouze-Yeri. Voici comment se lit l'article 15 de la Loi fondamentale de la Gagaouzie (1998), un document non reconnu par la Moldavie:
Article 15 1) Les langues officielles de la Gagaouzie sont le gagaouze, le moldave et le russe. 2) Le gagaouze utilise l'alphabet latin et est le fondement de la conscience nationale du peuple gagaouze. Sa renaissance, sa préservation, son développement et son extension sont des tâches prioritaires des autorités gagaouzes («de la Gagaouzie»). 3) La Gagaouzie reconnaît et garantit la préservation et le développement sur un pied d'égalité des langues et de la culture de toutes les nationalités vivant sur son territoire et leur offre des possibilités de libre développement. |
3.1 Les langues de la législation
Au point de vue juridique, le moldave, le russe et le gagaouze sont donc les trois langues officielles de la Gagaouzie. Les représentants de l’Assemblée régionale (appelée Khalk Toplouchou) utilisent en principe les trois langues, mais dans les faits le russe est omniprésent, suivi du gagaouze, puis du moldave. Les lois sont promulguées dans les trois langues, mais généralement rédigées en russe, puis traduites en gagaouze et en moldave.
En vertu de l'article 52 de la Loi fondamentale de la Gagaouzie, «le président de l'Assemblée populaire (Khalk Toplouchou) doit maîtriser la langue gagaouze». Pour être élu bachkan (chef ou président) de la Gagaouzie, il faut maîtriser la langue gagaouzeart (art. 61). De plus, lorsqu'il commence à exercer ses fonctions, il doit prêter le serment suivant en langue gagaouze (art. 63):
Article 61 1) Peut être élu Chef (Bachkan) de la Gagaouzie (Gagaouz Yeri) tout citoyen de la République de Moldova et de la Gagaouzie âgé d'au moins 35 ans résidant en permanence en Gagaouzie ou y ayant résidé au moins 10 ans, et maîtrisant la langue gagaouze. 2) La même personne ne peut exercer plus de deux fois consécutivement le mandat de chef (Bachkan) de la Gagaouzie (Gagaouz Yeri). Article 63 1) Lorsqu'il prend ses fonctions, le chef (Bachkan) de la Gagaouzie (Gagaouz Yeri) prête le serment ci-après : "Je m'engage solennellement à servir fidèlement le peuple de Gagaouzie, à respecter et à protéger les droits et libertés de l'homme et du citoyen, à me conformer scrupuleusement à la Constitution de la république de Moldavie et au règlement et aux lois de la Gagaouzie, à défendre ses instruments et à m'acquitter en toute conscience des hautes fonctions de Bachkan de la Gagaouzie dont j'ai été investi." 2) Le chef (Bachkan) de la Gagaouzie prête serment dans les 30 jours suivant la date de la publication officielle des résultats des élections, dans des conditions empreintes de solennité et dans le cadre d'une séance spéciale à laquelle sont représentés les organismes suprêmes des pouvoirs législatif et judiciaire. Le serment est prêté en langue gagaouze. |
Le territoire gagaouze comprend 31 villages, tous représentés au Parlement local, qui compte 35 députés, soit un par village, sauf la capitale Komrat qui a droit à cinq députés. La Gagaouzie est représenté au parlement de Moldavie par trois députés spécifiquement gagaouzes, mais d'autres sont élus en tant que membres des partis politiques moldaves traditionnels.
Enfin, le Comité exécutif de la Gagouzie doit veiller au
fonctionnement et au développement des langues nationales et des cultures sur le
territoire de la Gagaouzie (art. 76 de la Loi
fondamentale):
Article 76
Le Comité exécutif de la
Gagaouzie :
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3.2 Les langues de la justice
En matière de justice, les trois langues officielles sont admises dans les tribunaux. Tous les citoyens ont le droit d'être assistés d'un interprète si le juge ne parle pas la langue maternelle de l'accusé ou des témoins (art. 89 et 90 de la Loi fondamentale de la Gagaouzie):
Article 89 Le Tribunal de deuxième instance de la Gagaouzie est l’organe judiciaire de unité autonome qui examine les affaires civiles, pénales, administratives et autres. L’organisation et le mode de fonctionnement du Tribunal de deuxième instance de la Gagaouzie et des tribunaux de première instance sont réglementé par les lois concernées de la République de Moldova et de la Gagaouzie. Article 90 Les audiences sont conduites en langue gagaouze, moldave ou russe. Les personnes participant aux débats peuvent prendre connaissance de tous les éléments se rapportant à l'affaire, se faire assister par un interprète et prendre la parole dans leur langue maternelle. |
Dans le cas des nationalités bulgares, tsiganes ou autres, les services d'interprétariat dont la règle.
3.3 Les langues de l'Administration locale
Le gagaouze reste la langue de communication orale la plus utilisée, avant le russe et le moldave. Entre ethnies différentes, les gens utilisent généralement le russe plutôt que le moldave (ou le gagaouze). Le russe demeure très employé dans les documents écrits, aux dépens du gagaouze et du moldave.
En général, l'affichage public est en gagaouze ou bilingue (gagaouze-moldave ou gagaouze-russe). Par ailleurs, il existe des médias tant écrits qu’électroniques en gagaouze, mais également en d’autres langues dont le moldave, le russe et le bulgare.
3.4 Les langues de l'éducation
Le système scolaire de la Gagaouzie relève de la république de Moldavie sur l'éducation. Il est sous la juridiction du ministère de l'Éducation par l'intermédiaire du Département gagaouze de l'éducation et des sports dont le siège est à Komrat. Les écoles utilisent les programmes scolaires moldaves, mais «adaptés à la situation gagaouze». Cependant, les enseignants disent ne pas être satisfaits du nombre d'heures consacrées à l'enseignement de la langue et de l'histoire gagaouzes. Les internats et les écoles sont financés entièrement par le gouvernement moldave de Chisinau, mais la Gagaouzie peut lever ses propres impôts locaux pour financer 14 lycées (lyceu) à partir du budget principal de la Gagaouzie, ainsi que l'éducation préscolaire et l'enseignement secondaire général (à partir des budgets locaux).
Bref, les Gagaouzes disposent de leur propre réseau d’éducation où la langue d’enseignement est en principe le gagaouze, et où le moldave et le russe sont enseignés en tant que langues secondes, mais les autorités gagaouzes reconnaissent qu'un effort devrait être fait pour améliorer l'enseignement de la langue moldave. L'allemand est enseigné dans certaines classes. Les Moldaves et les Russes ont leurs écoles distinctes des Gagaouzes.
En réalité, le système éducatif gagaouze accueille au total quelque 32 000 élèves répartis dans 136 établissements qui vont de la maternelle à l'université: 66 établissements préscolaires, trois écoles primaires (comprenant les classes de la première à la quatrième année), 11 gymnases (de la cinquième à la 8e année), 26 écoles secondaires complètes dont une où l'instruction est donnée en moldave et 25 où elle est donnée en russe, 14 lycées, la plupart de langue russe, trois écoles d'EFP appelées «collèges de formation à la production» tels que les fermes-écoles, l'Université d'État de Komrat et la nouvelle Université nationale de Komrat. Dans ces universités, on enseigne surtout en russe, mais aussi en moldave et parfois en gagaouze (avec l'alphabet latin) lorsque les professeurs connaissaient cette langue. Il existe aussi un lycée privé turco-gagaouze où l'instruction est donnée en anglais, gagaouze et turc.
En réalité, il existe des lacunes importantes au plan de la langue d'enseignement dans la mesure où la plupart des écoles secondaires enseignent encore en russe. Non seulement la Gagaouzie souffre d'une grave pénurie d'enseignants de langue moldave, mais la qualité des enseignants en général laisse grandement à désirer. Par exemple, même si la situation s'est améliorée, le pourcentage d'enseignants titulaires de diplômes d'études supérieures est plus faible dans les localités gagaouzes que dans tout le reste de la Moldavie. Beaucoup d'enseignants ne détiennent encore qu'un diplôme d'enseignement secondaire.
Les problèmes propres aux écoles de Gagaouzie seraient les suivants :
- des bâtiments vétustes et mal entretenus, la dernière école ayant été construite en 1988; la construction de certaines écoles n'a jamais été terminée et aucune d'elles n'est réellement entretenue;
- une grave pénurie de manuels scolaires, notamment en langue russe.
La Russie a bien proposé de fournir des manuels, mais les programmes moldaves ne sont pas les mêmes qu'en Russie. De plus, les manuels en gagaouze (et en bulgare) coûtent de trois à quatre fois plus cher que ceux écrits en russe ou en moldave et, dans certaines classes, plusieurs enfants doivent partager un seul manuel. Les examens extérieurs (notamment au niveau de la 9e année) se déroulent en russe.
3.5 Les médias
Selon la société d'État Téléradio Moldova, à côté des
programmes en langue officielle (65 % du temps d’antenne) des programmes dans
les langues des minorités nationales sont déjà diffusés depuis seize ans. En
2002, les temps d’antenne étaient les suivants: en ukrainien (30 heures), en
gagaouze (24 heures), en bulgare (22 heures), en russe (12 heures), en yiddish
(6 heures) et en tsigane (6 heures). Les émissions de la radio ukrainienne
Ykr-1, 1+1, ainsi que les émissions en ukrainien de la radio de Tiraspol et
d'Odessa, sont retransmises en Moldavie. Dans les régions d'implantation dense
de Gagaouzes et de Bulgares (à Comrat, Taraclia, Ciadâr-Lunga, Tvardita), des
émetteurs locaux et privés de télévision et de radio diffusent également en
gagaouze et en bulgare.
En Gagaouzie, on compte quatre journaux en
gagaouze (Ana sosu, Gagaz sesi, Hal Birlii et Acic
goz) et deux magazines (Sabaa yildizi et Gunescik); deux
autres magazines (Gagouz et Kirlangac) sont publiés par les
Gagaouzes de Chisinau.
La politique linguistique de la Gagaouzie, à l'exemple de la plupart des États non souverains, est soumise à des contraintes extérieures. Cette politique ne peut restreindre les droits ni des Moldaves, ni des Russes, ni des Bulgares, etc. C'est une politique de valorisation de la langue locale (gagaouze) tout en s'appuyant sur le multilinguisme imposé par l'État moldave, mais aussi par les circonstances tant historiques que territoriales. Au point de vue juridique et constitutionnel, la Gagaouzie ne peut ignorer ni le moldave ni le russe; elle doit aussi promouvoir et protéger les langues des autres minorités. Le problème fondamental, c'est que le petit État gagaouze ne dispose que de moyens financiers fort modestes pour mener à bien cette politique. Bref, il reste beaucoup de chemin à parcourir, mais les Gagaouzes peuvent compter sur l'appui des autorités moldaves qui, en ce moment, ne peuvent pas faire grand-chose. La Moldavie demeure l'un des pays les plus pauvres d'Europe.
CONGRÈS DES POUVOIRS LOCAUX ET RÉGIONAUX DU CONSEIL DE L'EUROPE. Rapport intérimaire sur la situation de l'autonomie locale et régionale en République de Moldova, Strasbourg, le 10 février 1998, 4e Session (Strasbourg, 3-5 juin 1997), Rapport de monitoring 1997 CG (4) 20 Partie II. DEMIAN, Angela. «La république de Moldova à la croisée des chemins» dans Synthèse de la Fondation Robert Schuman, no 33. GOUVERNEMENT DE LA MOLDAVIE. Rapport soumis par la république de Moldova en vertu de l'article 25, paragraphe 1, de la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales, Chisinau, 29 juin 2000. HAGÈGE, Claude. Le souffle de la langue, Paris, Éditions Odile Jacob, coll. "Opus", 1994, 288 p. HARO, Florent. «Les Gagaouzes» dans Regard sur
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